L’Allemagne est le premier producteur européen de porc bon marché. Mais à quel prix ? Enquête sur un modèle industriel grassement subventionné, responsable d’un dumping social, économique et écologique à grande échelle.
C’est
la viande préférée des Allemands, premiers consommateurs en Europe.
Depuis une dizaine d’années, les producteurs de porcs d’outre-Rhin
jouissent de subventions massives accordées par Berlin pour accélérer
l’industrialisation de leurs exploitations. Aujourd’hui, le pays,
autrefois importateur, est devenu autosuffisant et inonde l’Europe à
prix cassé, 90 % du porc allemand provenant d’élevages industriels. Le
marché est dominé par une poignée d’entreprises qui pratiquent
l’économie d’échelle grâce à l’automatisation, et entassent des dizaines
de milliers de bêtes gavées d’antibiotiques dans des hangars sur
caillebotis, coupés de la lumière du jour. Si cette viande est si bon
marché, c’est aussi en raison du droit du travail allemand, qui permet
aux grands abattoirs d’employer des ouvriers détachés venus d’Europe de
l’Est et payés au rabais. Écrasés par cette concurrence, de plus en plus
de bouchers traditionnels ou de petites exploitations, en Allemagne,
mais aussi en Bretagne ou en Roumanie, doivent mettre la clé sous la
porte.
Industrie mortifère
Alors que l’opinion publique prend conscience de la nécessité de réduire
sa consommation de viande et de défendre une agriculture qui respecte
l’animal, la nature et l’humain, seule une volonté politique forte peut
prendre le contre-pied de ce modèle désastreux. Plébiscitée par les
producteurs et les consommateurs scandinaves, la législation suédoise
sur l’élevage porcin semble ainsi faire figure d’exemple à suivre.
Complète et très documentée, l’édifiante enquête de Jens Niehuss dresse
le bilan sans appel d’une situation peu reluisante, où seuls les grands
groupes industriels semblent trouver leur compte. Sans oublier les
conséquences de cette industrie mortifère sur notre santé – notamment la
multiplication de germes résistants aux antibiotiques chez l’homme, ou
la pollution des nappes phréatiques par les nitrates contenus dans les
lisiers.
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